Aux États-Unis, plusieurs États ont récemment interdit la fluoration de l’eau potable, relançant un débat international sur les bienfaits et les risques du fluor. Alors que la France adopte une approche plus prudente, faut-il revoir notre position sur cet oligo-élément longtemps considéré comme un pilier de la prévention carieuse ?
Un tournant aux États-Unis : la fin de la fluoration de l’eau dans plusieurs États
Depuis 1945, l’ajout de fluor dans l’eau potable américaine a été salué comme une avancée majeure en santé publique. Ce procédé visait à réduire significativement la prévalence des caries dentaires. En effet, des études avaient montré une nette diminution des caries dans les régions où l’eau était naturellement fluorée. Mais cette stratégie est aujourd’hui remise en cause.
En 2024 puis 2025, plusieurs États comme l’Utah et la Floride ont interdit cette pratique. Le gouvernement américain, par la voix de son ministre de la Santé, Robert Kennedy Jr, a évoqué une “médication forcée” et des effets potentiellement néfastes sur la santé globale, notamment sur le quotient intellectuel des enfants, le microbiote intestinal et la fonction thyroïdienne.
La FDA (Food and Drug Administration) a également annoncé le retrait du marché des suppléments fluorés ingérables pour les enfants, soulignant que ces produits n’avaient jamais reçu d’approbation officielle. Cette décision marque une volonté claire de limiter l’exposition au fluor sous forme systémique.
Le fluor : bénéfique ou dangereux ? Une controverse scientifique
Des effets prouvés contre les caries
Il ne fait aucun doute que le fluor renforce l’émail dentaire, rendant les dents plus résistantes aux attaques acides des bactéries. De nombreuses études ont confirmé que la fluoration de l’eau réduisait les caries, en particulier dans les populations ayant un accès limité aux soins dentaires.
Des inquiétudes croissantes sur l’ingestion prolongée
Mais les bénéfices du fluor dépendent fortement de la dose et de la voie d’administration. Une exposition excessive peut entraîner une fluorose dentaire, un trouble de la minéralisation de l’émail, visible sous forme de taches blanches ou brunes. Dans les cas les plus sévères, elle peut fragiliser les dents.
Les inquiétudes vont plus loin : des publications récentes suggèrent une corrélation entre une ingestion chronique de fluor à haute dose et des troubles neurologiques (QI plus bas), métaboliques (prise de poids) et endocriniens (thyroïde).
Bien que ces résultats soient encore débattus, ils ont suffi à déclencher des mesures de précaution dans plusieurs pays. En Europe, la fluoration systématique de l’eau n’est plus pratiquée dans la majorité des États membres.
Quelle est la position des autorités sanitaires françaises ?
Une prescription plus raisonnée du fluor
En France, la tendance est à la limitation de l’usage systémique du fluor. Les recommandations actuelles, émises par l’ANSM et les sociétés savantes, préconisent un apport topique et quotidien en faibles doses, via les dentifrices fluorés adaptés à l’âge, plutôt qu’une supplémentation orale.
Depuis plusieurs années, il n’est plus recommandé de prescrire systématiquement des gouttes ou comprimés fluorés avant l’âge de 6 mois. Après cette période, les suppléments ne sont indiqués qu’en cas de risque carieux élevé, évalué par le chirurgien-dentiste.
Vers une nouvelle approche préventive ?
La remise en cause de la fluoration de l’eau dans plusieurs pays remet sur le devant de la scène un principe clé : le bénéfice individuel doit primer sur l’exposition collective non contrôlée. Il s’agit désormais de privilégier une approche personnalisée, fondée sur :
- Une évaluation du risque carieux individuel
- L’usage de dentifrices fluorés bien dosés selon l’âge
- Une surveillance régulière en cabinet dentaire
Pour les chirurgiens-dentistes, ces évolutions constituent une opportunité pour renforcer l’éducation thérapeutique des patients, en insistant sur l’hygiène bucco-dentaire quotidienne et l’importance des rendez-vous de prévention.